Cet article est proposé par Olivier Dartigolles, ancien porte-parole du PCF en date du 02 Avril 2020.
Bonne lecture,
Au cours des derniers jours, le duo de l’exécutif s’est réparti les rôles.
Emmanuel Macron poursuit une communication martiale de chef de guerre en faisant en sorte de créer un climat «d’unité nationale» interdisant le débat démocratique sur la crise sanitaire et économique ainsi que sur les causes, les responsabilités, à l’origine des pénuries et de l’état sinistré de notre système public de santé. Le «chef de guerre» insiste beaucoup sur la prétendue «imprévisibilité» de la situation actuelle:«quand on vit quelque chose qui est inédit, on ne peut pas demander aux gens de l’avoir prévu il y a dix ans», tout en s’exonérant des effets tragiques d’une austérité budgétaire décuplée depuis son élection (lire l’Humanité de ce jour sur cette question). Pour Emmanuel Macron, «toutes celles et ceux qui cherchent déjà à faire des procès, alors que nous n’avons pas gagné la guerre, sont irresponsables», tout en renvoyant le débat sur les responsabilités, la transparence, à l’après Covid-19. L’ADN du macronisme apparaît aujourd’hui comme inopérant pour répondre aux différentes crises, ce qui conduit Emmanuel Macron a évoque un nouveau… «nouveau monde», en parlant de transformations indispensables, de ruptures, sans en préciser la nature et l’ampleur. Ce discours sur l’après, qui ne pourra pas être le retour à la normalité, est repris par le premier cercle (voir les récentes déclarations de Bruno Le Maire ou encore de Thierry Breton) qui, interventions après interventions, prépare un aggiornamento permettant de préserver l’essentiel des logiques dominantes actuelles.
La gestion de la crise, les réponses aux questions, sont aujourd’hui dans les mains du Premier ministre,secondé par le ministre de la Santé et le directeur général de la Santé. Hier, lors des échanges dans le cadre de la mission d’information parlementaire à l’Assemblée nationale, pilotée par Richard Ferrand, Édouard Philippe a évoqué une sortie du confinement qui «se fera probablement pas en une fois, partout et pour tout le monde». Des éléments ont été donnés sur la livraison des masques, des respirateurs, sur la tension sur les médicaments indispensables pour l’accompagnement des malades réanimation. Les questions au gouvernement de Pierre Dharréville et Stéphane Peu ont porté sur l’urgence sanitaire (médicaments, le plan d’urgence pour l’hôpital) et économique (chômage partiel – dernier chiffre: 4 millions de salariés dans40000 entreprises –, mobilisation des assurances, fiscalité du capital). Aujourd’hui, Fabien Roussel a interpellé le chef du gouvernement sur les deux entreprises du secteur de la santé menacées de fermeture,Luxfer, à Clermont-Ferrand, qui produit des bouteilles d’oxygène, et Famar, à Lyon, qui produit 12médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, dont celui (l’azithomycine) prescrit avec la chloroquine dans le traitement du Covid-19. Il a aussi demandé une mobilisation beaucoup plus forte, et coordonnée par la puissance publique, des forces productives pour fournir le matériel indispensable aux soignants et à la lutte contre l’épidémie.
Interrogé sur la question du «tracking» pour lutter contre l’épidémie, Édouard Philippe a exclu la possibilité d’un traçage numérique obligatoire, via les téléphones portables, tout indiquant qu’un tel recours sur la base d’un engagement volontaire est une question encore «ouverte».
La commission des Affaires économiques du Sénat auditionnera, la semaine prochaine, Bruno Le Maire, Elisabeth Borne et Didier Guillaume, ainsi que le PDG de La Poste.
Le conseil scientifique se réunira demain (03 Avril) .

Hier, lors du conseil des ministres, une nouvelle ordonnance précise le calendrier et les modalités pour les élections municipales. Si le second tour, pour des raisons sanitaires, ne pouvait se tenir avant la fin juin,les électeurs des communes où l’élection du nouveau conseil municipal n’a pas été actée au premier tour seraient de nouveau convoqués pour les deux tours du scrutin. La décision d’un nouveau report est renvoyée au rapport qui sera remis, le 23 mai, par les experts scientifiques. Selon Le Figaro, Emmanuel Macron aurait évoqué, lors du conseil des ministres, la possibilité de reporter ce scrutin à octobre, avec un report des élections sénatoriales prévues en septembre.

Zoom sur…Après l’épidémie, un autre monde

Contrairement aux injonctions de l’exécutif, le débat sur l’après n’attend pas la sortie de crise. D’immenses questions sont d’ores et déjà ouvertes, en grand, sur les enjeux essentiels posés pour nos sociétés, pour l’organisation des politiques publiques, pour regagner notre souveraineté.Dans un sondage publié par Libération (édition du 1er avril) et réalisé par Viavoice, une forte aspiration s’exprime pour une nouvelle société avec la protection des services publics et la relocalisation de la production. Pour Francois Miquet-Marty (Viavoice), «la tragédie actuelle, qui interroge sur les modalités et les limites de notre mode de développement, ouvre des champs majeurs de réflexion et de réinvention». Les résultats de cette enquête:

1- Les leçons de la crise du Covid-19 sur le système économique

•84% pour relocaliser en Europe le maximum de filières de production;

•70% pour reprendre la construction européenne et créer une vraie puissance européenne;

•70% pour réduire l’influence de la finance et des actionnaires sur la vie des entreprises;

•69% pour ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité;

•68% pour nationaliser des activités stratégiques du pays (transports, énergie, eau);

•65% pour créer, aux frontières européennes, un protectionnisme économique beaucoup plus strict envers le reste du monde.

2- Interventionnisme économique en temps de crise

•56% estiment que l’État devrait à l’avenir soutenir les entreprises nationales, même en dehors des crises.

3- Sanctuariser les «biens communs»

•91% pour les hôpitaux publics;

•88% pour l’accès à l’eau et à un air de qualité;

•87% pour la Sécurité sociale;

•82% pour l’Éducation nationale;

•76% pour la biodiversité.

Pour beaucoup de Français, la pandémie révèle les défaillances de notre modèle, une scandaleuse inversion des priorités et une course insensée d’un système que nul ne maîtrise. Par un effet vertigineux,s’imposent simultanément l’une des plus grandes tragédies du siècle et l’évidence nécessité de réflexions sur notre monde actuel. La sanctuarisation de «biens communs indispensables à tous» apparaît aussi comme une demande forte. Et, si pour cela il faut «accroître massivement les dépenses publiques» après la crise, 43% des sondés s’y disent favorables, dans un contexte ou la notion de soin, au sens de l’attention portée aux autres (le «care»), prend le pas sur la seule idée de redistribution. Autre chose, l’exigence écologique reste très présente au sein d’une vison globale du futur.